Avertissement: Nature de l’impensée
[3]Comment transformer en corps homogène et complet une collection d’énoncés donnée dans l’objectivité sinon en recomposant l’ensemble des règles qui les produisent, de façon à vérifier leur compatibilité, établir leur ordre, effectuer leur puissance, c’ est-à-dire: étendre, par l’exercice de la syntaxe, l’actualité de leur suite, afin d’augmenter leur quantité jusqu’au point où se dissipe le virtuel?
Une fois menée à son terme, cette opération de l’effectuation maximum est détermination absolue du champ. La dire positive est récuser que l’inactuel se reforme à mesure qu’on l’épuise, et que des énoncés nouveaux soient toujours à venir d’un impensé toujours à rejoindre, telle la moitié renaissante des paradoxes éléates1 - car un discours est une séquence, discrète par essence, incommensurable au continu de conscience.
S’il n’y a donc pas d’impensé à penser, c’est maintenant une chaîne intégrale qui se détache de son environnement pour subsister comme un corps d’arguments disposés en processus de validation.2 Chacun y implique le précédent qui le régit, hormis celui qui se régit soi-même, d’être le principe de la validation. A ce titre, il est [4] l’énoncé autonome, qui accomplit sa propre position, impliqué par tous les autres, validé par soi seul, c’est-à-dire l’évident, point inaperçu de la décision.
Puisque sa déduction manque à tout discours, il est voué à l’impensé de ce qui va de soi. Ce n’est pas nier qu’il ne puisse être dit - au contraire: occasionnel ou répété, son explicite ne tire pas à conséquence. Mais c’est maintenir que, présent dans chaque pensée, il ne peut être pensé, et qu’il ouvre, hors de la conscience possible, sur ce qui détermine la thèse du discours.
Détermination impensée - dont la quasi-transparence autorise l’illusion d’autonomie du processus -, ici impensable, parce qu’incompatible avec les énoncés actuels, en sorte que sa validation aussitôt les invaliderait. La cause, on le sait (conjoncture pratique, ou époque du concept), ne s’effectue qu’à se donner à méconnaître.
Ce que je pense n’est que l’effet de ce que j’impense.
Notes
1. L’environnement indéterminé s’étend d’ailleurs à l’infini. Cet horizon brumeux, incapable à jamais d’une totale détermination est nécessairement là (Husserl, Idées directrices pour une phénoménologie, trad. Ricoeur, Par. 27, p. 89). ↵
2. Guéroult, Descartes selon l’ordre des raisons, vol. I, p. 11. ↵